La femme au foyer et le coiffeur
La femme au foyer, tout le jour, emmurée,
S’affairait entre rangement et ménage.
Elle aurait préféré quitter ses balais,
Mais elle n’était point pour le glandage.
Alors Gisèle mettait l’aspirateur en route
Pour avaler ses désirs de voyage.
Ses rêves refluèrent dans la soute
Et son énergie se concentra sur l’ouvrage.
Pourtant, quoi qu’elle fasse, ils revenaient
Comme la poussière sur le carrelage,
Que de son chiffon elle époussetait,
Papillons sur son livre d’images.
Elle devait encore, une fois fini,
S’embrouiller dans la vapeur du repassage,
Mais à passer et ressasser ainsi sa vie
Lui apparut soudain l’échec de son mariage.
Inutile de laisser poindre la rancœur
Et d’arguer les années ou l’âge,
Elle décida d’agir et d’aller chez le coiffeur
Qui, elle le savait, toujours soulage.
Mais ce jour-là, ce fut un nouvel employé
Qui de Gisèle prit la charge :
Elle en fut ravie, il n’était point gay ;
Et déclencha même dans son cœur des ravages.
Il avait les mains douces et les doigts agiles
Lorsqu’il s’occupa des cheveux et du méchage.
Le travail accompli, d’un battement de cil,
Gisèle se jugea plus qu’à son avantage.
La femme au foyer retourna chez le coiffeur,
Une fois par semaine, appliquant le vieil adage
Inculqué par son bienfaiteur :
« C’est la coiffure qui fait la beauté du visage ! »
Elle aurait pu s’y rendre quotidiennement,
Que son mari n’y aurait pas vu outrage.
Il lui aurait déjà fallu remarquer les changements,
Mais pour cela il n’était plus à la page.
Un jour, Gisèle partit chez son coiffeur,
Avec son sac à main et ses bagages.
Celui-ci lui avait promis le bonheur
Et la découverte de mille paysages.
Elle abandonna son mari et ses balais
Et son ancienne vie d’esclavage
Pour enfin faire ce qu’il lui plaisait,
Surtout être plus qu’une femme de ménage.
Quand une femme au foyer délaisse ses balais
Méfiez-vous messieurs des dérapages
Car les coiffeurs ne sont pas tous gays
Et peuvent « décoiffer » vos épouses d’un balayage.