Effluves

Publié le par SAM

L’odorat, est avec le goût le plus subtil des sens. Décrire une image, cela reste toujours possible : on parle de la forme, de la couleur. Mais les odeurs…Cela sent la banane. Oui, mais comment ça sent la banane ? A quoi cela ressemble-t-il sinon à une odeur de banane ?

Et une odeur, qu’est-ce donc ?

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Les émanations que je respire sont des fleuves d’effluves qui virevoltent jusqu’à mon appendice facial. Elles me projettent dans un passé plus ou moins lointain. Elles marquent de façon indélébile un souvenir, le teintent d’un sentiment particulier : la gaîté, le malaise. Elles me vaccinent à vie. Si je rencontre une vapeur identique, je la reconnais entre toutes. J’ai du mal à la situer précisément mais elle insinue en moi, des images, des couleurs, des bruits même !

Selon que l’odeur est agréable ou non, mon visage l’exprime instinctivement.
Face à une senteur, mes narines se dilatent pour absorber au maximum ces particules odoriférantes. Mon visage se détend, tout mon corps s’ouvre pour être réceptif à ces arômes qui planent jusqu’à lui ! L’aspirer totalement par les pores de la peau.
Le parfum d’abord trop fort, nous submerge à l’état brut. Nous repoussons la tête tellement  la sensation est violente. Puis, nous y revenons en dosant, en humant par petits reniflements, pour en découvrir toutes les subtilités.

Au contraire, un miasme entraîne la répulsion. Les ailes du nez se pincent, les sourcils se froncent et nous nous éloignons automatiquement de la source pestilentielle. S’ils  provoquent en premier lieu de l’écoeurement, certains relents tels sueur, urine ou parties intimes du corps, paradoxalement, nous attirent poussés par un instinct animal. Cela est inscrit au plus profond de nos gènes. Peut-être est-ce dû à une réminiscence de notre ancienne condition d’homme préhistorique ?

A l’heure actuelle, les fragrances cosmétiques masquent notre propre odeur corporelle. Elles servent à nous embaumer comme s’il fallait camoufler nos exhalaisons. Les parfums sont multiples et variés et se définissent par leurs composantes : les fleuris, les épicés, les musqués, les boisés, les ambrés…Avant, les phéromones étaient le vecteur essentiel à l’accouplement. Maintenant, la cosmétologie est indispensable au jeu de séduction. Peut-être est-ce la cause d’un si grand nombre de célibataires ?

Les odeurs se suffisent à elle-même. Mais essayons de les mettre en mots. Par exemple, la vanille fleure le sucré, l’urine sent l’acide,  la transpiration exhale le salé et  les vapeurs d’asphalte trempé sont âpres. Nous décrivons simplement les quatre saveurs principales liées au goût. Effectivement, ces deux sens sont étroitement liés. Ils ont en commun un carrefour physiologique, le pharynx où les voies aériennes et buccales se rejoignent. C’est la raison pour laquelle lorsque nous perdons l’odorat, en cas de rhume, les aliments deviennent inodores et l’appétit en est coupé.

L’odorat, tout comme la vue, nous donne des renseignements sur notre environnement. Si les effluves sont délicats à traduire, ils n’en restent pas moins nécessaires. Peut-être même davantage, autant que le sont leurs subtilités.



Publié dans Essais

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R
Très bon essai sur les parfums...J'ai beaucoup aimé ton analyse très pertinente sur le jeu de la séduction, c'est vrai que l'on cherche beaucoup à se cacher derrière de bons parfums, histoire de couvrir les odeurs corporelles...A te lire bientôt,Rémy
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